jeudi 2 juin 2011

Gil Scott-Heron R.I.P

Usé jusqu’à la corde par un mode de vie plutôt stupéfiant (…), Gil Scott-Heron avait la prononciation molle lorsque je l’ai interviewé l’an dernier. Le cerveau, lui, avait conservé toutes ses fonctionnalités.

Force était d’observer qu’il se souvenait de tout, absolument tout ce qui avait marqué son existence de créateur. Et il ne s’était pas fait prier pour fournir les précisions concernant la création de son ultime opus I’m New Here, un album excellent réalisé par le Britannique Richard Russell qui lui valut un retour par la grande porte sur la scène mondiale. Scott-Heron avait d’ailleurs gardé sa superbe en disant qu’il avait aidé Russell à réaliser un rêve, plutôt que de reconnaître la chance que le patron admiratif du label XL lui avait accordée !

L’homme ne doutait pas de sa valeur, ça c’est certain.

Même concernant ses problèmes avec la loi pour consommation et possession de drogues illégales, il avait daigné commenter. La réplique était rapide, solide, fière. L’homme assumait ses contradictions, évitant de verser dans l’apitoiement ou le repentir niais. « La seule différence entre moi et tant d’autres, c’est qu’ils ne se sont pas fait prendre », estimait-il. Et paf. Bien sûr, il reconnaissait avoir commis des bêtises et nui à ses proches, il refusait néanmoins d’en beurrer épais.

Poète, écrivain, activiste, tribun, musicien, chanteur, l’artiste afro-américain se voyait parmi les descendants de l’écrivain Langston Hughes dont il fut un admirateur fervent, marqué par la beat generation ayant précédé la sienne (Amiri Baraka, notamment), il fut un auteur de la poésie funk et jazzy soul, à l’instar des Last Poets.

D’aucuns lui accordent la paternité du style rap parce que ses déclamations ne manquaient pas de syncope. À ce titre, pourtant, Scott-Heron n’était pas un pionnier. La déclamation syncopée chez les blacks américains existait bien avant lui. En fait, c’est beaucoup plus pour le choix de ses environnements sonores, plus soul que jazz, qu’on a pu voir chez lui la préfiguration du hip hop contrairement à la génération qui l’avait précédé.

Scott-Heron ne détestait pas être considéré comme un précurseur du hip hop mais ne semblait pas non plus y accorder beaucoup d’importance. Par le passé, d’ailleurs, il ne s’est pas gêné pour critiquer vertement les valeurs gangstéristes et le piètre niveau littéraire de plusieurs de ses descendants.

Libre penseur à n’en point douter, Scott-Heron est allé jusqu’au bout de sa destinée, c’est-à-dire la rencontre funeste des deux bouts de la chandelle.

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